La fac de maths, une spécialisation en communication scientifique et une première carrière dans la presse informatique… Qu’à cela ne tienne, à 39 ans Karine Solovieff décide de changer radicalement de voie : exit les journaux, bonjour les gâteaux ! Son CAP Pâtisserie en poche, elle a lancé il y a quelques mois sa petite entreprise, le Paradis des Gourmandes, et se consacre aujourd’hui pleinement à sa passion.
Fraisier, tarte au chocolat, Paris-Brest : autant de mots doux qui font aujourd’hui le quotidien de Karine Solovieff. Pas à pas, méthodiquement, la jeune femme a construit sa nouvelle vie de pâtissière dans laquelle elle se sent si bien. Avec son Paradis des Gourmandes, elle propose aujourd’hui une collection de gâteaux réalisés sur commande et livrés à domicile. Toujours en mouvement, elle fait évoluer son offre en fonction des saisons, de son inspiration et de ses rencontres. Son virage professionnel a été d’autant mieux négocié qu’elle l’a pris à la fois avec méthode et enthousiasme. « Je suis quelqu’un de pragmatique et de persévérant, j’avance pas à pas, sans pour autant brider ma créativité. Ma force ? Toujours rester positive ! » confie-t-elle. Histoire d’une reconversion gourmande.
« J’étais mûre pour faire le grand saut, mais je ne le savais pas »
Elève sérieuse, plutôt attirée par les sciences, Karine passe un bac scientifique (C) et enchaîne sur une Licence de Mathématiques mais ne se voit pas chercheuse : elle bifurque alors et ajoute à son cursus une Maîtrise et un DESS en Information et Communication Scientifique. « J’ai toujours aimé expliquer, vulgariser les sujets techniques. En sortant de la fac, j’ai répondu à une annonce de 01 Informatique et j’ai été embauchée. J’y ai appris les bases du métier de journaliste, avec des pairs qui prenaient le temps de former les jeunes, ce fut une belle période de ma vie professionnelle ! » se souvient-elle. Karine participe ensuite au lancement de 01Net.com. Au bout de sept ans, à la faveur d’un plan social, elle fait une pause pour élever son fils, puis reprend la plume trois ans plus tard et passe par plusieurs supports de presse écrite, toujours dans l’informatique. « En 2013, à la faveur d’un énième plan social, je me suis à nouveau posé la question : est-ce que je veux, oui ou non, continuer à faire ça toute ma vie ? A l’époque, je pensais plutôt à une reconversion du côté des réseaux sociaux. Parallèlement, je passais de plus en plus de temps en cuisine à faire de la pâtisserie, et je brûlais d’envie d’apprendre les techniques de base du métier. J’avais d’ailleurs créé, dès 2011, une page Facebook dédiée à ma passion, sur laquelle je partageais recettes et infos gourmandes » raconte-t-elle. C’est une discussion avec un ami, Jérôme, qui va provoquer en elle le déclic : ancien collègue journaliste, celui-ci a déjà sauté le pas et ouvert son restaurant (Le Desvouges). « A un dîner, chez lui, j’ai évoqué une boutique à louer près de chez moi. Il m’a dit : pourquoi ne la prends-tu pas ? Tu y organiserais des ateliers pâtisserie, des animations… Sur le coup, j’étais un peu interdite. Moi, faire ça ? Mais la nuit suivante, je n’ai presque pas dormi, je me voyais déjà dans le local, j’avais refait la déco dans ma tête. En fait j’étais mûre pour faire le grand saut, mais je ne le savais pas. Et j’ai décidé que ma reconversion se ferait dans la pâtisserie » ajoute Karine.
« Je me suis entraînée à l’examen dans ma cuisine, en solo »
Le plan social se double alors d’un plan de départ, avec accompagnement et revenus garantis à la clé pendant quelques mois. « Je crois aux signes de la vie, je me suis dit que c’était le moment de saisir l’opportunité, pour ne pas avoir de regrets. Sans trop savoir où j’allais, j’ai décidé de commencer par passer mon CAP, afin de faire les choses dans l’ordre ». Karine découvre alors que l’on peut passer ce diplôme en candidat libre et rejoint un groupe Facebook dédié. Elle commence à potasser et à s’entraîner, en solo, avec l’appui des autres membres du groupe. « Il faut connaître par cœur de nombreuses techniques et se programmer des examens blancs (sept heures et quatre desserts à préparer). J’en faisais un par semaine, dans ma cuisine. Sept heures debout, c’est long physiquement quand on a toujours travaillé assis ! Il faut en outre développer de nouveaux réflexes, adopter un nouveau rythme. Pour me motiver, j’ai créé via le groupe Facebook un réseau de proximité avec d’autres personnes en reconversion, comme moi : nous étions six à nous entraider, uniquement des femmes (elles constituent 80% des personnes adultes qui se reconvertissent en pâtisserie). On se voyait les unes chez les autres, on échangeait, c’était très bénéfique » indique Karine. Parallèlement, la jeune femme qui n’a pas encore totalement quitté sa peau de journaliste se balade, provoque des rencontres : elle flâne dans les épiceries fines, les salons de thés, discute avec les entrepreneurs qui se sont lancés, recueille leur avis, leurs conseils, leur vécu. Elle effectue également un stage à la Grande Epicerie afin de voir comment fonctionne un grand labo professionnel au quotidien, puis suit deux formations : l’une à la Chambre de Commerce sur l’hygiène en restauration, l’autre à la Fédération de l’Epicerie sur la création d’entreprise. « Mon ami Jérôme a continué à me soutenir, tout au long de ma préparation. Il m’a permis de venir travailler régulièrement dans son restaurant, aux côtés de son chef, Emilien. J’ai ainsi pu me confronter aux exigences d’une cuisine professionnelle, avec un timing à respecter, et j’ai énormément appris aux côtés du chef. Cela m’a également permis de recevoir les premiers retours sur mes gâteaux, au-delà du cercle de mes proches. Voir que je pouvais donner autant de plaisir aux gens avec une pâtisserie, ce fut une révélation et cela m’a servi de fil rouge » relate-t-elle. Le soir, chez elle, Karine ne se relâche pas : son conjoint, qui la soutient dans son projet, lui fait réviser la théorie et l’écrit du CAP. En juin 2014, c’est le grand jour. L’apprentie pâtissière réussit son examen et, son nouveau diplôme en poche, décide de se lancer dans un premier temps en solo, sans boutique ni labo. « Je me suis dit qu’il fallait commencer simplement, en testant une formule qui se situe entre la pâtisserie de quartier et l’offre de la grande distribution. J’ai lancé les démarches d’immatriculation à la Chambre des Métiers et j’ai proposé mes premiers desserts à commander dès novembre, via une newsletter hebdomadaire liée à mon blog. Pour le moment, je fonctionne ainsi : je connais mes capacités de production et je fais en sorte de garantir une qualité homogène pour toutes mes livraisons. J’ai l’impression que la formule plaît, car les clients reviennent et sont, pour certains, déjà fidèles. Cela m’encourage à continuer ! ».
« ll faut accepter de voir évoluer son projet initial »
Aujourd’hui, Karine a 42 ans et se dit heureuse d’avoir tenté l’aventure de la reconversion. « La démarche m’a permis de stimuler de nouvelles capacités que j’avais en moi, de tester ma motivation, ma résistance à la fatigue, mon niveau de concentration… C’est aussi un formidable exemple pour mes enfants : quand ils se découragent sur un sujet ou un autre, je leur rappelle mes moments de galère pour arriver à maîtriser telle ou telle technique, les gâteaux ratés, etc. Ils ont vu qu’il fallait s’accrocher, recommencer, recommencer encore. Et surtout ils sont fiers de moi et ça, ça n’a pas de prix ! » Ce qui lui manque un peu, c’est le travail en équipe, l’échange avec des pairs. D’où l’idée, à terme, de s’installer dans un local professionnel en association avec un(e) partenaire qui assurerait le développement de l’entreprise pendant qu’elle serait aux fourneaux. « Ce sera pour un peu plus tard. Pour l’instant, je rode ma petite entreprise tout en étant là pour mes enfants. Et en parallèle, je continue à faire de la photo (mon autre passion) et à intervenir comme animatrice Croix-Rouge dans les écoles primaires et les collèges, pour parler d’équilibre alimentaire et de prévention des addictions ». Si elle devait donner un conseil à un candidat à la reconversion, ce serait d’avoir de la patience et d’accepter que les choses ne se fassent pas instantanément. « Il faut aussi rester ouvert, accepter de voir évoluer son projet initial en fonction de la demande que l’on identifie (ou non). Je crois aussi en l’importance du soutien familial et amical, mais aussi professionnel quand on a la chance d’y avoir accès. Surtout enfin, ne pas oublier que beaucoup de gens trouvent le changement anxiogène et vont tenter de vous décourager. En pâtisserie tout particulièrement, je me suis trouvée confrontée à des hommes qui avaient suivi un itinéraire plus classique, en commençant très jeune par l’apprentissage : ils me regardaient de haut, moi la quadra reconvertie qui voulait entrer dans leur monde. Je ne me suis pas laissé démonter, j’ai tenu bon car je croyais fermement à mon projet ».
– Texte Corinne Martin-Rozès / Photos © Karine Solovieff –
– Texte et photos ne sont pas libres de droit –
Retrouvez Karine sur son site, Le Paradis des Gourmandes (livraison sur Viroflay et une partie de Versailles, dans les Yvelines). Sans oublier sa page Facebook.
Le site du restaurant Le Desvouges, tenu par son ami Jérôme Desvouges à Paris.
Catégories :Reconversion
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