Des études de droit, un premier poste dans les RH, puis plusieurs en marketing, Olivia Moore mène carrière pendant plus de dix ans au sein de grands groupes. Se sentant un peu à l’étroit dans les emplois qu’on lui propose, elle continue en parallèle à faire du théâtre et un beau jour, à 35 ans, se met à écrire son premier one-woman show. Depuis le début 2012 elle se donne en spectacle, et cela lui réussit plutôt bien ! Non, rien de rien, non, elle ne regrette rien.
Elle a fait du chemin la fillette qui, chaque été, montait avec sa cousine une représentation pour ses grands-parents. « Je me souviens que, déjà, je prenais à l’époque très au sérieux le fait de préparer un spectacle, tout en voulant que ce soit drôle. Par exemple, nous imaginions des chorégraphies improbables sur des chansons de Richard Gotainer » raconte Olivia Moore. Au collège, puis au lycée, elle fait bien sûr partie de la troupe de théâtre, se passionne pour la scène mais choisit de faire du droit. « Pour mes parents, comme pour moi du reste, il était inconcevable d’entamer des études de théâtre. Je visais avant tout l’autonomie financière ». Un DESS de Droit Social plus tard, Olivia décroche son premier poste à la Direction des Ressources Humaines d’une multinationale. « Avec le recul, je réalise que je cherchais déjà à faire en sorte que les gens se sentent bien. Pendant deux ans, j’ai négocié des accords 35h, fait de la com interne, du recrutement, de la formation qualité totale… C’était riche mais je me suis vite sentie à l’étroit. Et puis un jour on m’a dit de la mettre en veilleuse, que je n’étais pas là pour gérer des hommes, mais pour gérer une organisation. Ça a été la première goutte d’eau… » indique-t-elle. Olivia demande à changer de service, direction le marketing international, pour y développer des gammes de shampooings. « Je n’étais pas formée au marketing mais on m’a fait confiance car j’y ai mis beaucoup de conviction ! Vouloir changer, c’est aussi se condamner à être un éternel débutant. Je suis quelqu’un de très curieux, ça ne me dérange pas de repartir à zéro, j’aime quand ça bouge » confie-t-elle. Parallèlement, elle suit des cours de théâtre avec Jacqueline Duc (« une femme incroyable »), qui lui conseille de tenter le Conservatoire. Elle s’inscrit à ce concours, mais aussi à celui du barreau, pour finalement ne se présenter à aucun des deux. « Je déteste les concours… et je n’étais pas prête de toute façon. Alors j’ai continué à faire du théâtre, en amateur, et j’ai pris des cours de chant pour apprendre à poser ma voix ».
« On te dit que ton idée est géniale mais qu’elle va déplaire à machin ou à truc, donc elle passe à la trappe. »
Voilà donc Olivia au service marketing. Elle y passe deux premières années, s’y plait au démarrage mais se heurte vite aux contraintes politiques d’une grosse organisation. « On te dit que ton idée est géniale mais qu’elle va déplaire à machin ou à truc, donc elle passe à la trappe. Or ma créativité avait déjà besoin de liberté, même si je n’en avais pas conscience » se souvient-elle. Elle finit par prendre un congé sabbatique de six mois pour voyager, puis rencontre son futur mari et, du coup, revient plus vite que prévu et achève cette parenthèse comme animatrice en milieu scolaire. Retour chez son employeur où elle réalise désormais des études marketing. Pendant son temps libre, elle s’investit aux côtés de l’association pour le développement des soins palliatifs, dans le cadre du Groupe Hospitalier Diaconesses, « une expérience assez fondatrice ». Côté boulot, son nouveau poste se révèle intéressant, mais les évolutions de carrière qu’on lui propose ensuite ne l’enthousiasment pas, alors elle démissionne pour rejoindre une petite société d’études marketing qualitatives. « Aller à la rencontre des consommateurs, animer des groupes, décoder le discours, j’ai adoré ça ! ». Elle rejoint un an plus tard une plus grosse structure où l’ambiance de guérilla interne lui déplait rapidement, puis se lance comme freelance avant d’être ‘’chassée’’ par un grand groupe de cosmétiques qui fait d’elle la Directrice des études d’une de ses marques. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, Olivia en profite pour avoir son premier enfant, puis son deuxième, et demande à revenir vers le marketing. Hélas, l’ambiance dans le nouveau service où elle arrive ne l’emballe pas franchement. Alors qu’elle attend son troisième bébé, son médecin la trouve dans un tel état de stress qu’il lui conseille fortement de lever le pied. « Je me suis retrouvée arrêtée, très tôt dans ma grossesse. Or, ne rien faire, ça n’est pas moi. Du coup, j’ai commencé à phosphorer et à écrire ce qui deviendrait, un an plus tard, mon premier one-woman show » raconte-t-elle.
« Un jour, en prenant le métro, je tombe sur une affiche présentant l’Ecole du One-Man Show »
Au démarrage, Olivia ne sait pas très bien où elle va, mais elle y va… « J’avais envie que ce soit drôle, je suis donc naturellement allée vers la formule ‘’sketch’’ ». Un jour, en prenant le métro, elle tombe sur une affiche présentant l’Ecole du One-Man Show. Enceinte jusqu’aux dents, elle s’y pointe, au beau milieu de l’année. Elle suit quelques cours, se documente, apprend, structure sa démarche d’écriture, mais toujours en amateur et sans encore l’idée d’en faire un projet professionnel. Le temps passant, néanmoins, elle a de plus en plus de doutes sur sa motivation à réintégrer le monde de l’entreprise après son congé de maternité, compte-tenu de l’atmosphère de forte compétition interne régnant dans le service qu’elle doit rejoindre. Alors elle se tourne vers l’auto-coaching tout en menant un travail de fond avec Anne-Claude Benhamiche, coach et thérapeute, afin d’y voir clair en elle-même et sur ses aspirations. « Elle m’a fait découvrir un outil génial, l’ennéagramme, qui permet en quelque sorte de cartographier sa personnalité et de mieux se comprendre. Petit à petit, j’ai reconstitué le puzzle, mon puzzle, j’ai écrit, encore et encore, et j’ai vu mon spectacle prendre corps. J’étais prête à sauter dans la piscine » ajoute Olivia.
« J’ai cru que j’allais mourir sur scène… »
En mars 2011, à 35 ans, c’est le baptême du feu, avec trois premières représentations dans deux cafés-théâtres parisiens, Le Bout et La Cible. « J’ai cru que j’allais mourir sur scène… Je présentais des sketches sur ma vie, mais ce n’était pas encore totalement abouti car il est difficile de trouver son registre quand on débute ». Trois mois plus tard, en juin 2011, Karim Kachour du Paname Art Café lui donne sa chance. « Je ne le remercierai jamais assez. Là, pendant dix-huit mois, avec le public à 20 cm de moi, j’ai appris les bases du métier et les interactions avec la salle. Deux fois, je suis allée me produire à Avignon, en ‘’off’’ du festival. Et depuis janvier 2013, on peut me voir à la Comédie des Boulevards, à Paris, où Mickael Chetrit m’a fait confiance » explique Olivia. Depuis l’été 2012, elle travaille avec l’humoriste Marine Baousson, co-auteur et metteur en scène du spectacle, une collaboration qui l’enchante. Elle est également épaulée au quotidien par une chargée de production très efficace, Anaïs. « Aujourd’hui, j’ai peu de visibilité au-delà de trois mois, et tout ce que je gagne passe dans la production du spectacle. Mais ça me va, car je fais les choses à ma manière. Mon expérience dans la communication et le marketing m’est précieuse, en particulier pour la promotion du spectacle. Sur Facebook, j’ai créé un peu par hasard la page ‘’Trucs de mère indigne’’ qui a marché au-delà de mes espérances, avec aujourd’hui plus de 8 000 fans, et qui me permet de faire connaître mon travail au-delà de la région parisienne. Enfin, je sais à quel point venir au spectacle peut relever du parcours du combattant (prix des places, embouteillages, parking, timing serré et enfants à faire garder, etc : j’ai donc à cœur de faire passer un bon moment au public, tout en le bousculant, loin du discours ‘’politiquement correct’’ sur la famille idéale. Mes propos peuvent choquer, mais je considère que c’est mon travail d’humoriste d’être un trublion, souriant, mais trublion tout de même » poursuit-elle.
‘’Ça devait finir par arriver’’, lui déclarent des amis
Autour d’Olivia, sa reconversion est diversement perçue même si, dans l’ensemble, elle reçoit pas mal d’encouragements. « J’ai eu de la chance car mon mari m’a soutenue dès le début… Sympa de sa part, car lui qui avait épousé une responsable marketing se retrouvait tout à coup avec une humoriste en devenir, ça fait un peu ‘’tromperie sur la marchandise’’, non ? Mes parents étaient plus dubitatifs, il leur a fallu un peu de temps. Quant aux amis, plusieurs m’ont dit ‘’ça devait finir par arriver’’. Cela m’a surprise, car le fait de passer d’un modèle de vie axé sur la sécurité matérielle à un modèle où plus rien n’est sûr, je pensais ça a priori très loin de moi, mais eux n’étaient pas étonnés. Une copine m’a même rappelé qu’un jour, il y a assez longtemps, je lui avais dit que j’écrirai un one-woman show. Enfin, certains de mes anciens collègues sont venus me soutenir dès mes premières représentations, mais pas forcément ceux que j’attendais. La vie est étonnante ! »
« Je continue à écrire, à me former, et j’ai parallèlement développé des prestations pour les entreprises »
Qu’est-ce que sa nouvelle vie a changé pour Olivia ? « C’est simple, aujourd’hui je ne fais plus les choses que par plaisir et avec joie. Si un truc me rend malheureuse ou me déplait trop, je passe à autre chose. Je me permets aussi des petits coups de folie : par exemple, je pars jouer mi-novembre à Montréal, même si dans le métier on me dit que je suis folle de me produire là-bas à ce stade de ma jeune carrière, tant pis, j’en ai envie. Si je me plante, ce ne sera pas grave, mon niveau de notoriété étant quand même encore limité (rires) ! » explique-t-elle. Depuis deux ans, son spectacle a beaucoup évolué et continue à muter, au fil des représentations. Elle y parle de ce qu’elle connaît, de sa vie de femme devenue mère et belle-mère, des relations familiales et de la place des femmes dans la société actuelle. « Je continue à écrire, à me former aussi, avec un clown américain de génie, Ira Sedenstein. Et j’ai aussi développé des prestations pour les entreprises : je donne des représentations privées du spectacle, mais je propose aussi du sur-mesure, notamment dans le cadre de conventions internes. Je fais notamment dont je rêvais, quand j’étais salariée : un débrief humoristique de ce qui s’est dit pendant la journée, en cassant un peu la langue de bois. Quand je bossais, j’avais envie de dire plein de choses que j’étais obligée de taire, maintenant on me paye pour les dire ! Et vu ma connaissance du monde professionnel, je sais jusqu’où je peux aller trop loin » précise-t-elle.
« Quand un truc t’arrive, tu ne peux pas savoir de prime abord si c’est une bonne ou une mauvaise chose »
« J’ai rarement été aussi épanouie, personnellement et professionnellement. Je suis tout simplement heureuse ! Quand quelqu’un me dit qu’il a envie de changer de vie, je lui pose toujours la même question : dans un monde idéal, s’il n’y avait aucune contrainte, que ferais-tu ? Quelles sont tes passions ? Quel est ton caractère, ton mode de vie, quels sont tes dons, tes défauts, tes besoins ? Je conseille ensuite, une fois que la personne s’est bien auto-analysée, de laisser vagabonder son imagination pour aller vers quoi elle se sent appelée. Au-delà de la réflexion, il y a des choses pour lesquelles on est fait, naturellement » commente Olivia. Son mot de la fin ? « Je n’en ai pas, mais j’ai deux maximes fétiches. La première : ‘’si ça ne se fait pas, c’est que ça ne devait pas se faire’’ et la seconde : ‘’quand un truc t’arrive, tu ne sais pas de prime abord si c’est une bonne ou une mauvaise chose ‘’. Car je réalise à quel point tout ce que j’ai fait avant m’a conduite là où je suis aujourd’hui. Et je ne regrette rien ! »
Découvrez le site d’Olivia www.oliviamoore.fr
Et sa page Facebook ‘’Trucs de mère indigne’’
Texte Corinne Martin-Rozès / Portrait couleur © Nadine Court
— Texte et images ne sont pas libres de droit —
Catégories :Parcours atypique
Félicitations Olivia !
Ravi de voir à nouveau que croire en ses rêves, ça paye ! A un moment, il faut se jeter à l’eau, prendre un peu de risques, mais la vie n’en est que bien meilleure ensuite !
Je me dis souvent que le principal risque que les gens prennent, c’est de ne pas en prendre et de ne rien tenter.
Merci Corinne pour tous ces témoignages enthousiasmant et motivant !
Waouw Quel parcours! ! Hâte d’aller voir Olivia à la Royale Factory ! Bravo Olivia & Corine !!
Superbe témoignage d’un parcours avec un tas de méandre mais un « fil conducteur » certes pas suivi mais toujours bien présent jusqu’à ce qu’Olivia chemine vers l’acceptation et la réalisation de ses talents au service de son épanouissement.
Bravo ! Exemple à suivre…
Bluffée par Olivia qui va au bout de ses passions. Bluffée…