Olivier, guide de randonnée et menuisier-ébéniste : « Candidats à la reconversion, n’écoutez que vous-mêmes ! »

Dessinateur-projeteur au sortir de ses études, Olivier Corbin prend conscience à 28 ans que cette vie-là n’est pas pour lui. Sa première reconversion fait de lui un guide de randonnée, la seconde quelques années plus tard le ramène tout naturellement à ses premières amours : le travail du bois. A l’approche de la quarantaine, il partage aujourd’hui son temps entre ses excursions dans la nature et son atelier de menuisier-ébéniste.

 

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Olivier Corbin © Benjamin Griveau

 

A La Grande Paroisse, au bord de la forêt de Fontainebleau, Olivier Corbin exerce aujourd’hui deux métiers qui comblent ses aspirations. Aux beaux jours, il est guide de randonnée sur le massif forestier bellifontain, le parc du Morvan et la presqu’île de Crozon en Bretagne. Entre chaque balade et le reste de l’année, il enfile son tablier de menuisier et s’est même fait ébéniste, avec déjà une première collection de mobilier design à son actif. Audacieux, passionné et rêveur, il vit aujourd’hui en communion étroite avec la nature et s’attache à honorer chaque jour sa devise : « Faites ce que vous voulez, mais faites le bien ».

 

«  Au bout de quelques années, j’ai eu envie de pratiquer une activité professionnelle plus en lien avec la nature »

Enfant, Olivier passe beaucoup de temps dans le garage familial à bricoler. « J’occupais tout mon temps libre à construire des maquettes de bateaux. Avec mon argent de poche, je m’achetais des outils… Cela devait présager quelque chose » se souvient-il. A l’école, il est un élève sans histoire qui sent cependant que le système éducatif n’est pas fait pour lui. « J’ai toujours été très manuel. J’aurais dû faire dès le départ des études en rapport avec le travail du bois, mais finalement je ne regrette rien, car avec mon parcours atypique je pratique aujourd’hui le métier d’ébéniste avec un œil différent, sans tabous et avec une forme d’audace qui aurait peut-être été bridée par un cursus classique » ajoute-t-il. Après un bac STI Génie mécanique et productique, Olivier s’oriente vers un DUT dans la même spécialité, qu’il n’obtient finalement pas. Qu’à cela ne tienne, il est embauché dans une chaudronnerie où il se forme, à l’atelier, au contact de compagnons. Puis il effectue son service national dans le cadre de l’Association des Paralysés de France, au contact de personnes handicapées. Il travaille à cette occasion avec le CAT d’Ozoir-la-Ferrière. « C’était un monde nouveau pour moi, avec des personnes formidables. J’ai eu envie de continuer dans cette voie et, à l’issue de mon service, j’ai fait un remplacement dans ce CAT. Hélas, aucune opportunité ne s’est présentée ensuite et j’ai dû chercher du travail ailleurs » relate Olivier. Il enchaîne alors les missions d’intérim en tant que dessinateur-projeteur, son métier d’origine, avant de rentrer dans un grand groupe industriel français où il passe près de cinq années. « Dans cette entreprise où travaillent environ 40 000 personnes, je me suis alors fondu dans une sorte de routine. J’ai été assez déçu par les relations intergénérationnelles : nous, les jeunes embauchés, étions mal acceptés par les anciens, alors que nous aurions pu échanger et nous enrichir mutuellement » déplore-t-il. A l’époque, le jeune homme se met au sport de plein air et commence à pratiquer la course, le trail, le cyclisme, le surf et la planche à voile. Petit à petit, il se sent de moins en moins en phase avec le métier qu’il pratique, dessinateur sur console, et caresse l’envie de pratiquer une activité professionnelle plus en lien avec la nature.

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Olivier Corbin © Benjamin Griveau

 

« Des gens m’ont dit que j’étais fou, forcément, mais beaucoup d’autres m’ont encouragé »

Ses longues promenades dans la nature et un bilan de compétences lui donnent alors une idée : pourquoi ne pas devenir guide de randonnée ? Il demande alors à bénéficier d’un Fongecif pour devenir éducateur sportif. Son Brevet Professionnel en poche (BP de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport), il revient travailler dans son entreprise tout en montant sa société en parallèle. A 28 ans, en 2006, il démissionne pour se consacrer entièrement à sa nouvelle profession. Un acte courageux ? Pas pour lui ! « De mon point de vue, le courage c’est rester des décennies à pratiquer un métier que l’on n’aime pas, au risque de sombrer dans la dépression ou de faire un burn-out. Des gens m’ont dit que j’étais fou, forcément, mais beaucoup d’autres m’ont encouragé, me disant que j’étais dans  le vrai. Chez certains, cela tenait presque de la confession, car ils n’avaient jamais osé sauter le pas malgré une insatisfaction chronique. Quant à moi, j’étais persuadé que je faisais le bon choix. Et de toute façon, mon caractère est tel que, plus on me met des bâtons dans les roues, plus je m’accroche » poursuit-il dans un sourire. Au démarrage bien sûr, il rame un peu, mais la richesse des partenariats qu’il noue, notamment avec le Musée d’Art et d’Histoire de Melun pour qui il organise des randonnées thématiques, compense les difficultés du jeune entrepreneur. Petit à petit, il affine son offre autour des destinations qu’il connaît le mieux et qui nourrissent sa passion pour la nature : sa région, autour de Fontainebleau, mais aussi le Morvan et la Bretagne. Ses anciens formateurs le sollicitent pour intervenir devant des aspirants guides, et c’est avec joie qu’il transmet son expérience. « Ce métier, je l’envisage d’une seule manière : rester frais et garder intactes certaines motivations qui ne font pas forcément bon ménage avec la recherche de rentabilité… De plus, la randonnée est une activité majoritairement saisonnière. Alors, pour ne pas devenir un entrepreneur uniquement obnubilé  par son chiffre d’affaires, pour continuer à proposer des prestations où la passion est le seul moteur, j’ai décidé d’avoir un second métier, que je pourrai notamment pratiquer l’hiver et dans les périodes creuses » explique-t-il.

«  En France, son profil détonne, mais très vite, grâce à la magie d’internet, il découvre qu’ailleurs, nombreux sont les designers autodidactes »

Parallèlement à la création de sa société, Olivier avait entièrement restauré, seul, sa maison : un vrai boulot, à mi-temps, qui lui a pris plusieurs mois. Au vu du résultat, son entourage commence alors à le solliciter pour des travaux de menuiserie. « Pour moi qui ai toujours aimé bricoler et travailler le bois, c’était naturel. Je me suis alors dit : pourquoi ne pas proposer ces prestations à des tiers, en devenant menuisier ? » raconte-t-il. Il se jette alors à corps perdu dans l’apprentissage de ce nouveau métier, en surfant sur des forums, en visionnant des tutoriels, en se formant à distance. Lorsqu’il a besoin de conseils vraiment pointus, de parfaire ses gestes ou de se former à une nouvelle technique, il se tourne vers des ébénistes de sa connaissance, en particulier Xavier Linard et Alain Masini. C’est donc en autodidacte qu’il se lance, proposant dans un premier temps des prestations d’agencement intérieur (placard, dressing, cuisine, meuble de salle de bain, bibliothèque…). Et puis, il y a tout juste un an, en regardant le bureau de son grand-père, il décide de créer du mobilier design inspiré des années 50 et des créateurs scandinaves. « C’est vite devenu une évidence pour moi : travailler des matériaux nobles et locaux, comme le bois massif (chêne et hêtre français) ou le multipli de bouleau ou hêtre, mais aussi proposer des formes épurées, fonctionnelles et ergonomiques qui permettent de se reconnecter à la simplicité » indique-t-il. En France, son profil détonne, mais très vite, grâce à la magie d’internet, il découvre qu’ailleurs, nombreux sont les designers autodidactes, au Etats-Unis notamment. « Cela m’a désinhibé d’échanger avec ces professionnels, tous fiers de ce qu’ils font, et loin d’être empêtrés dans des considérations liées à leur formation initiale ! D’accord, je n’ai pas fait une école d’ébenisterie ou de design, mais ce n’est pas une raison suffisante pour renoncer. Pourquoi pas moi ? J’en étais capable, je le savais. Et j’allais le prouver » raconte-t-il. Ses premiers croquis prennent forme à l’été 2015, tout comme sa deuxième société, Olivier Corbin Design. A date, son catalogue comporte déjà trois modèles de meubles : buffet, table basse, chevets. Il vend en direct au public, ou via des plateformes comme HopFab. « Ce n’est pas évident de lancer un concept, ça prend du temps, mais j’ai l’intime conviction que le mien répond à des attentes d’aujourd’hui : faire moins mais mieux, avec une dimension de proximité, cela véhicule des valeurs que les gens sont en train de redécouvrir. Je me sens parfois un peu seul face à la montagne, mais j’ai confiance, je continue à créer et à prospecter de concert, avec des contacts, jusqu’au Canada ! » ajoute Olivier.

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Olivier Corbin © Benjamin Griveau

 

«  Paul-Emile Victor disait : la seule chose promise d’avance à l’échec c’est celle que l’on ne tente pas »

Aujourd’hui, Olivier a 39 ans et se dit « épanoui, car je fais ce que je veux, ce qui me plait, au quotidien ». Lui qui a récemment traversé plusieurs épreuves personnelles sait mieux que jamais à quel point la vie tient à peu de choses. « Tout ceci me conforte dans l’idée que j’ai fait les bons choix. A quoi cela sert-il d’amasser de l’argent sur un plan retraite, de se priver, pour au final ne pas en profiter ? Je vais continuer sur ma lancée, laisser la vie me porter, sans faire de plan de carrière. Il y a quelques années, jamais je n’aurais pensé exercer le métier de menuisier ! En revanche, je suis parfois un peu las d’une certaine mentalité française et je me demande si je ne vais pas aller vivre ailleurs, dans un pays où on ne vous juge pas si vous avez un parcours atypique et où les gens sont moins coincés dans des cases » déplore-t-il. Quand il doute un peu, certaines lectures lui remettent les idées en place, comme le livre d’Alexandre Jollien, « Vivre sans pourquoi ». Ses projets ? Continuer à développer sa ligne de mobilier design, transmettre son amour du bois en proposant des stages d’initiation à la menuiserie, imaginer de nouvelles activités liées à la nature avec son complice, le photographe Benjamin Griveau. Son conseil pour des candidats à la reconversion ? N’écouter qu’eux-mêmes et faire par eux-mêmes. « Paul-Emile Victor disait : la seule chose dont on soit sûr à l’avance sur l’échec c’est celle que l’on ne tente pas. Je trouve cette phrase tellement riche d’enseignement ! Car on apprend beaucoup de ses échecs, ils nous font grandir. On ne peut savoir à l’avance si une entreprise va avoir du succès. Il ne faut pas trop réfléchir avant de se lancer, et surtout toujours garder la petite part d’inconscience qui fait la différence. »

– Texte © Corinne Martin-Rozès / Photos © Benjamin Griveau –
– Texte et photos ne sont pas libres de droit –

 

Pour en savoir plus sur Olivier Corbin, ça se passe ici :
Nemorosa.com (activité de guide de randonnée)
Olivier Corbin Design (design de meubles & menuiserie)



Catégories :Parcours atypique, Reconversion

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2 réponses

  1. Ce parcours me fait rêver. Il me parle peut-être encore davantage car moi également je suis passionné de menuiserie, et actuellement dans une situation qui me mine totalement car plus d’intérêt pour mon métier (dans l’informatique, ennuyeux à mourir) qui pourtant me permet de bien gagner ma vie (3500 euros nets par mois). Je me sens prisonnier d’un certain niveau de vie, et je n’ai aucune idée de comment m’en sortir. J’ai trop connu les fins de mois difficiles dans ma jeunesse, et je ne suis pas prêt pour changer de job et me retrouver avec un smic.

Rétroliens

  1. Reconversion professionnelle: nouveau regard ou troisième voie? | Ithaque Coaching

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