Un premier job dans la communication, un second dans le référencement internet puis, à 35 ans, Galina Derevenski change complètement son fusil d’épaule et passe son CAP Couture. A peine diplômée, elle ouvre un atelier sur le modèle du « café-couture » pour partager sa passion. Retour sur le parcours d’une battante qui va au bout de ses choix.
En janvier dernier, Galina Derevenski ouvrait « Coup de coudre », un atelier sur le modèle du « café-couture ». Cette boutique-concept, elle en rêvait depuis longtemps, désireuse de partager sa passion et son savoir-faire, mais aussi de contribuer à sauvegarder une certaine tradition couturière qui se perd dans les pays occidentaux, et particulièrement en France.
« Je cousais déjà, mais je n’avais jamais pensé à en faire ma profession »
A l’origine, rien ne destinait pourtant Galina à devenir couturière. « J’ai grandi en Russie. Enfant, j’ai appris à coudre à l’école. Nous avions l’habitude de faire nos propres vêtements : à l’époque il n’était pas question de plaisir, mais de nécessité, et notre unique matériel consistait en de vieilles machines à manivelle ! » Dans les années 90, la jeune fille étudie l’informatique puis décroche un poste dans la communication, au sein d’une multinationale de la restauration. « J’ai participé à la création du magazine institutionnel du groupe pour la Russie, ce fut passionnant. Puis j’ai rencontré mon mari, et, à la faveur d’une promotion qu’on lui proposait, nous sommes venus nous installer en France, à Versailles, en 2007. J’avais 27 ans et je ne parlais pas un mot de français, mais j’étais partante à 100%. En 2008 et 2009, j’ai trouvé un job de commerciale en CDD pour un grand organisateur de salons internationaux, à Paris. Puis nous avons à nouveau déménagé, en 2010, en Israël cette fois » raconte Galina. Sur place, la jeune femme cherche un autre emploi et le trouve, dans le référencement internet cette fois. Une nouvelle expérience enrichissante qui prend néanmoins fin avec la naissance de son premier enfant. « Impossible de concilier une vie de jeune maman et des journées de travail de neuf heures. J’ai donc démissionné, et je me suis retrouvée totalement isolée, chez moi, avec mon bébé. Une situation que j’ai dans un premier temps mal vécue. Et puis un jour, une conversation avec la baby-sitter m’a ouvert d’autres horizons : à 23 ans, celle-ci venait de plaquer ses études pour vivre de la couture. Je cousais déjà, bien sûr, pour mon fils, mais je n’avais jamais pensé à en faire ma profession. Tout à coup, une autre option se faisait jour : avoir un métier qui me suivrait partout, où que j’aille, où que nous nous installions, puisque nous pouvions être amenés à bouger de nouveau » explique-t-elle.
« J’ai décidé de créer mon atelier, afin d’apporter mon appui à celles et ceux qui veulent se lancer ou progresser en couture »
En octobre 2014, la petite famille rentre en France et Galina formule son projet de plus en plus clairement. Elle a lu dans le New-York Times un article présentant un café-couture à Paris, et le concept l’enchante : un lieu où l’on peut coudre, transmettre son savoir-faire et échanger avec d’autres passionnés, un atelier où on a de la place pour travailler, sans pour autant souffrir d’isolement ? C’est un truc pour elle, elle en est sûre. « Je me suis renseignée et j’ai vu qu’il n’existait pas d’endroit de ce genre dans ma ville, Versailles. Pourtant, j’en étais persuadée, cela pouvait intéresser beaucoup de monde. Pour avoir vécu des moments de grande solitude face à ma machine, je sais qu’on a besoin de partager pour progresser, d’être accompagné pour utiliser au mieux le matériel. Alors j’ai décidé de créer mon atelier, afin d’apporter mon appui à celles et ceux qui veulent se lancer, tout en créant du lien, bien au-delà du simple cours de couture » explique-t-elle. Galina démarre alors une formation à distance avec Educatel, pour préparer son CAP Couture. Parallèlement, elle donne naissance à son deuxième enfant, ce qui ne l’empêche pas de peaufiner son projet : elle commande une étude de marché aux étudiants d’une école de commerce, s’inscrit à Pôle emploi pour bénéficier d’un accompagnement à la création d’entreprise, se fait conseiller par BGE et cherche un local. En juin 2016, elle obtient son diplôme et, dès la rentrée, commence à faire quelques ventes privées. A l’automne, elle trouve une boutique à reprendre rue du Vieux Versailles, dans un quartier d’artisans : avec l’aide enthousiaste de son mari, les lieux sont réaménagés et repeints en un temps record et « Coup de coudre » ouvre ses portes début janvier 2022.
« Une sorte d’espace de co-working autour d’un dénominateur commun, la couture »
Avec ce « café-couture », Galina a donc créé une sorte d’espace de co-working autour d’un dénominateur commun, la couture. Sur place, on peut louer une machine, s’en servir seul(e) ou prendre un cours, participer au club couture pour réaliser un projet personnel, ou tout simplement prendre un café avec d’autres passionné(e)s et discuter fils, aiguilles et patrons. On peut aussi lui commander des vêtements : elle les réalise sur mesure, et propose aussi ses propres créations. « Je me sens bien loin aujourd’hui de la couture de ma prime jeunesse. Je crée, je découpe, je pique avec du matériel de qualité et de beaux tissus. Quel confort, et quel plaisir aussi ! Je suis heureuse également de participer à la sauvegarde d’une tradition artisanale en péril. Il reste peu de couturières en France, et bien souvent le savoir-faire est sur le point de s’éteindre avec les seniors qui le détiennent. Plusieurs générations ont été perdues pour la couture, peu de femmes et d’hommes ont transmis ce qu’ils savaient à leurs enfants. C’est tellement dommage ! » commente-t-elle.
« Lorsqu’on se lance, on ne déconnecte jamais, et l’appui des proches est crucial »
Même si rien n’est gagné et si son concept est encore en rodage, Galina y croit dur comme fer. Tout comme son mari, qui la soutient de manière indéfectible. « Il aurait été impossible de faire tout ça sans lui. L’appui de son conjoint, et de ses proches sur un plan général, est crucial quand on se reconvertit et que l’on crée son entreprise. C’est même un paramètre clé. Car lorsqu’on se lance, on ne déconnecte jamais : entre la boutique, l’administratif et la communication autour du projet, c’est plus qu’un plein temps et votre famille doit être derrière vous, car cela remet en cause toute l’organisation du quotidien. Mon conseil à ceux qui tentent l’aventure : accrochez-vous à votre idée, préparez-vous à gérer la pression et ne cédez pas au découragement. Oui, il y a des moments où on a envie de tout plaquer, d’abandonner. Oui, c’est difficile. Mais quelle satisfaction au bout du chemin ! » ajoute-t-elle en guise de conclusion.
– Texte © Corinne Martin-Rozès –
– Photos © Galina Derevinski et Corinne Martin-Rozès –
– Texte et photos ne sont pas libres de droit –
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site www.coupdecoudre.com et sur la page Facebook pour toutes les actualités.
Catégories :Création d'entreprise, Reconversion
Un superbe témoignage très inspirant !
Galina a eu le courage de repartir sur tout autre chose, de s’écouter et elle a fait preuve de beaucoup de volonté, bravo à elle !
C’est le genre de parcours qui mérite d’être mis en lumière, vous le faites très bien et c’est ce que je tente de faire aussi, à ma façon.
Merci pour ce partage.
Avoir le courage d’écouter son cœur – notre troisième cerveau – et accepter que vivre de notre passion demande du temps pour travailler nos talents naturels : c’est la source de toute grande réussite!
Maxime Coignard
Très bel article et témoignage très inspirant ! Merci beaucoup pour le partage