La reconversion est-elle la panacée pour tous celles et ceux qui sont insatisfaits de leur vie professionnelle ? Pas forcément ! Afin d’y voir clair dans ses motivations et de commencer par le commencement, il convient d’abord de se poser les bonnes questions. Pourquoi n’ai-je plus envie d’aller travailler le matin ? Quelles solutions puis-je déjà mettre en place, avant de songer à tout remettre en cause ? Eléments de réponse avec la coach Bérangère Touchemann, elle-même reconvertie et aujourd’hui spécialisée dans l’accompagnement des transitions professionnelles.
Lorsque vous êtes consultée par quelqu’un qui ressent un inconfort dans sa situation professionnelle et vous parle illico reconversion, que commencez-vous par lui dire ?
La première étape consiste toujours en une clarification de l’inconfort ressenti et des besoins de la personne. Mes clients n’arrivent pas forcément en affichant un désir de reconversion, mais ont tous un point commun : ils veulent trouver une activité professionnelle qui soit plus en phase avec leurs aspirations profondes et ne se reconnaissent plus dans celle qu’ils pratiquent. « J’ai la boule au ventre chaque matin », « Je ne sais pas exactement ce qui ne va pas, mais ça ne va pas » : voilà ce que j’entends chaque jour… Pour les aider à y voir clair, j’ai identifié trois sources principales d’inconfort et nous travaillons ensemble à déterminer laquelle est la principale, afin de trouver des solutions pertinentes. La première, que j’appelle le « quoi/comment », concerne l’exercice-même du métier : la façon dont on le pratique, les cas où les compétences sont sur- ou sous-exploitées, l’ennui ou le surmenage, l’impression d’avoir fait le tour du job, etc. La deuxième source est le « pour quoi », en deux mots, elle nous permet d’évoquer la cohérence, l’adéquation entre l’activité et la personne : certains ne se sentent plus en phase avec ce que leur demande leur entreprise, et ce décalage avec leurs valeurs provoque un malaise. Par exemple, une de mes clientes, salariée dans l’action sociale, s’est vue demander par l’association qui l’emploie de passer à une logique de rendement : le fait de devoir traiter plus de cas dans une journée dégradait considérablement la prise en charge des personnes dont elle s’occupait, et elle le vivait très mal. Enfin, troisième source, le « avec qui » c’est-à-dire l’aspect relations humaines : soucis avec un manager, un collègue, un client voire un fournisseur, qui se traduisent parfois par un véritable enfer au quotidien. Et souvent, l’inconfort ressenti provient d’un mix de ces trois sources.
La reconversion est-elle la solution idéale pour tous ceux qui vivent ces situations ?
Pour certains oui, mais pas pour tout le monde, car chacun a ses propres raisons de vouloir changer. Etant donné que les sources sont plurielles, le travail peut se faire à de nombreux niveaux, et de multiples voies d’amélioration existent qui ne mènent pas forcément à une reconversion. Les solutions sont même parfois simples à mettre en œuvre, d’où l’importance de bien caractériser ce qui ne va pas, afin de ne pas se lancer dans l’aventure d’un changement trop radical pour de mauvaises raisons.
« J’ai la boule au ventre chaque matin », « Je ne sais pas exactement ce qui ne va pas, mais ça ne va pas » : voilà ce que j’entends chaque jour…
Pouvez-vous nous donner des pistes ?
Pour la première source d’inconfort, liée à l’exercice du métier, il faut commencer par un état des lieux de ses compétences et de ses aspirations, mais aussi des possibilités offertes par son entreprise. Par exemple, j’ai vu des personnes changer de fonction, passer du commercial au marketing, du juridique aux RH, avec des formations à la clé. D’autres ont demandé à travailler en 4/5ème, ou bien ont négocié un ou deux jours de télétravail par semaine. Ce type d’évolution peut apporter un mieux-être tout à fait significatif.
Pour la deuxième source, qui correspond à une quête de sens, la personne doit faire un travail de connaissance de soi plus approfondi, établir un diagnostic de ses aspirations afin de trouver un métier en phase avec la vision qu’elle a du monde. Un de mes clients, qui était commercial dans les solutions informatiques, n’en pouvait plus de vendre des imprimantes, lui qui avait développé une grande sensibilité à l’écologie. Aujourd’hui, il est toujours commercial, mais pour une start-up qui propose une technologie de purification de l’eau : sa mission est donc en phase avec ses valeurs, et il a retrouvé la motivation, sans pour autant se reconvertir. On a tous des compétences, mais souvent on manque de recul, on a tendance à se dévaloriser, à penser qu’on est coincé dans notre job, ce qui est faux ! Il n’est pas forcément nécessaire d’apprendre un nouveau métier, de retourner à l’école et de repartir à zéro pour changer significativement de vie…
Pour la troisième source, qui résulte souvent d’un dysfonctionnement relationnel, des solutions existent aussi, et passent souvent par une réflexion sur la façon dont on communique avec les autres et dont on gère les conflits. Un autre de mes clients, co-fondateur d’une TPE florissante, m’a consultée en me disant qu’il voulait tout plaquer pour partir en Thaïlande, avec femme et enfants, afin d’ouvrir une maison d’hôtes. En creusant, nous avons mis au jour le problème, à savoir une relation conflictuelle avec son associé, qu’il avait choisi de fuir plutôt que de l’affronter et de régler les problèmes. C’est là-dessus que nous avons travaillé, partant du principe que la démarche lui serait utile sur un plan général, car ce qu’il vivait avec cette personne pouvait se reproduire avec une autre. Plutôt que de tout remettre en cause (y compris pour sa famille), il a finalement réussi à repartir sur des bases plus saines avec son associé.
Il n’est hélas pas facile de faire ces démarches tout seul…
J’ai conscience que prendre ainsi du recul est difficile quand on est seul face à son problème, et qu’il n’est pas non plus évident de jouer cartes sur table avec sa hiérarchie. Cependant, ce type de démarche permet d’identifier des niveaux de solution intermédiaires qui souvent suffisent à réinjecter du plaisir et du sens dans la vie professionnelle. On peut ainsi rester dans son entreprise, ne pas changer de contexte mais changer de fonction en développant ses compétences, modifier son organisation : tout ceci implique de se rendre visible, de parler de ses souhaits à son manager, mais aussi de changer de regard sur soi-même en prenant conscience de ses atouts. On peut aussi changer d’employeur pour aller vers une société dont l’activité nous redonnera de la motivation. On peut enfin revoir son rapport aux autres et sa façon de communiquer avec son entourage professionnel. Toutes ces pistes sont à explorer avant de songer à un changement aussi radical que la reconversion, surtout en l’absence d’idée ou de projet précis. Et même si l’on veut à terme créer son entreprise, s’être posé toutes ces questions ne peut qu’être bénéfique, car les dysfonctionnements qui génèrent le malaise d’un salarié peuvent perdurer et prendre d’autres formes une fois sa reconversion enclenchée.
Ce qui constitue un gros changement pour l’un ne le sera pas forcément pour l’autre.
Il semble qu’on ne soit pas vraiment égaux devant l’insatisfaction au travail…
On n’a clairement pas tous le même curseur, et les contextes sont tellement variés ! Ce qui constitue un gros changement pour l’un ne le sera pas forcément pour l’autre. Certains démissionnent facilement pour tenter d’autres aventures (tout particulièrement les jeunes actifs aujourd’hui), d’autres sont depuis vingt ans dans la même entreprise et n’osent pas demander un CIF… Ce qui me semble essentiel, c’est de faire quelque chose qui nous rend fier, aller voir un peu plus loin. Quand on décide de prendre soin de son besoin de changement et de ne plus le subir, quand on s’attache à le comprendre et à l’affronter, on ne peut qu’aller mieux ! Il faut réexaminer ses peurs à l’aune de l’époque que nous vivons : on a aujourd’hui le droit et la possibilité de tenter autre chose, la mise en place du CPF va dans ce sens. Et ce que nous vivons comme un échec potentiel est vu, dans d’autres cultures et notamment aux Etats-Unis, comme quelque chose de forcément positif, puisque c’est en échouant que l’on progresse ! La peur aussi de ne pas être légitime sur une nouvelle activité ne tient pas si on la décortique, car justement, le fait d’avoir vécu d’autres vies professionnelles avant est un atout qu’il faut valoriser. En France, même si les médias ont tendance à ne mettre en lumière que ce qui ne va pas, il y a tout de même pas mal d’opportunités à saisir si on se donne la peine de le faire. Et la satisfaction professionnelle ne se loge pas forcément là où on l’attend alors, restons ouverts, tentons de nouvelles choses, des petites, des grandes, mais surtout, bougeons !
– propos recueillis par Corinne Martin-Rozès –
– textes et photos ne sont pas libres de droits –
Pour en savoir plus sur Bérangère Touchemann,
RV sur son site internet Coaching de carrière
Catégories :Paroles de coach
Merci beaucoup pour votre article très approfondi sur la situation des personnes en mal-être professionnel.
Vous faites le tour de la question et je confirme que toute reconversion commence par un point sur soi-même et sur les interactions dans le travail. Cette clarification faite, la personne est alors prête pour travailler sur son projet et envisager ou non une reconversion.
Bravo pour votre analyse dans la visée du Mieux-Etre.
Isabelle Folliard
i-Coaching
Bonjour,
Tout d’abord bravo & merci pour cet article. J’ai moi-même longtemps vécu un mal être professionnel, car je n’étais pas heureuse dans mon quotidien pro. J’ai fini par rencontrer un professionnel afin de m’aider à changer de carrière. Il m’a beaucoup écouté en premier lieu, puis beaucoup conseillé. Il m’a aidé à monter ma boîte dans le domaine de la vente. Il écrit d’ailleurs sur des blogs également, afin de donner des conseils. Par exemple http://buginfo.fr/demarrer-un-nouvel-emploi-dans-la-vente/ qui m’a beaucoup inspiré et motivé à me lancer.
Bref, merci à des gens comme vous de nous aider à changer, à oser, à bifurquer. Nous sommes au travail au moins 8 heures par jour : autant que l’on y soit épanouis !
Nicole