Ex-chef de projet dans l’agroalimentaire, Leslie Gontard attend la trentaine pour virer de bord et passer son CAP Pâtisserie. Venue à la torréfaction presque par hasard, elle se découvre alors une vraie vocation et monte en 2013 sa société, GramGram. Une reconversion somme toute logique pour cette passionnée de nature.
« Qui sait déguster ne boit plus jamais de café mais goûte des secrets » : la citation d’origine, signée Salvador Dali, parlait du vin, mais Leslie Gontard l’a reprise à son compte. A 36 ans, la jeune femme est aujourd’hui aux commandes de sa toute jeune société de torréfaction, GramGram, main dans la main avec son associée Veronica Procel, équatorienne d’origine. Elle vient même d’ouvrir sa première boutique au Perreux-sur-Marne à l’est de Paris. Rencontre avec une reconvertie heureuse.
« J’ai été élevée au contact direct de la nature, en montagne »
Elevée dans les montagnes des Alpes de Haute Provence, en pleine nature, au contact de la terre et des paysans qui la travaillent, Leslie a toujours été fascinée par la ronde sans fin des saisons. Petite, elle passait de longues heures à observer et à contempler les merveilles de son environnement : une enfance selon elle fondatrice dans son parcours de vie, et qui constitue un élément clé de sa future reconversion. « Au lycée, j’ai fait une filière littéraire, puis j’ai enchaîné sur des études commerciales (Langues Etrangères Appliquées) tout en pratiquant de nombreuses activités extrascolaires plutôt artistiques. Parmi celles-ci, le piano au conservatoire d’Aix-en-Provence, dans un cadre assez strict qui m’a donné le goût de l’exigence et de la rigueur, tout en m’apprenant à me remettre en question et à accepter les critiques. » Finalement, Leslie poursuit ses études en Espagne où elle s’initie à la photographie noir et blanc, apprend à fabriquer ses pellicules et à les développer à l’ancienne, une expérience dont le côté artisanal lui plait beaucoup. A la fin de son cursus, la jeune femme trouve un premier job en tant que chef de produit dans l’univers de la viennoiserie industrielle et s’installe en Bretagne où elle exerce ce métier pendant huit ans. « J’ai beaucoup appris au contact des Bretons. Ils ont le travail dans le cœur et savent surtout se poser les bonnes questions, et je pense que c’est la clé ! » indique-t-elle.
« Je ne voulais plus passer 80% de mon temps devant un ordinateur »
Dans le cadre de son métier, pendant toutes ces années, Leslie a la chance de côtoyer des chefs et des artisans passionnés qui lui donnent petit à petit l’envie d’aller vers un métier manuel. « Au bout de huit ans passés à travailler à 80% sur un ordinateur, je sentais que cette vie ne me convenait plus, moi qui aime le contact avec la nature et les gens. J’aspirais à autre chose » se souvient-elle. La première fois qu’elle pense à s’inscrire au CAP Pâtisserie, elle a 28 ans, mais elle n’est pas encore tout à fait mûre pour ce virage et botte en touche. « L’idée fait alors son chemin, mais à chaque fois qu’elle m’assaillait je laissais la raison l’emporter et je rangeais mon rêve dans un tiroir, en me disant que ça devait relever du caprice. Après tout, de quoi pouvais-je me plaindre ? J’avais une situation stable. Mais voilà, l’idée revenait sans cesse. Et un jour à 30 ans, je me suis dit que le pire serait d’avoir un jour des regrets, de me dire que je n’ai pas vécu ce que j’aurais aimé vivre. C’était comme si j’étais devant le tapis de jeu de ma vie et que je ne lançais pas les dés : cette sensation a été décisive » raconte la jeune femme.
« Le CAP fut une expérience fabuleuse »
Bille en tête, Leslie présente alors le concours d’entrée à la prestigieuse Ecole Ferrandi. « Et là, divine surprise : j’ai été miraculeusement admise en CAP Pâtisserie ! Ce train ne passerait pas dix fois, il me fallait le prendre. » C’est ce qu’elle fait. Commence alors une expérience qu’elle qualifie de fabuleuse : se remettre dans la peau d’un étudiant, utiliser son corps pour travailler (ce qui était totalement nouveau), et mesurer à quel point ce n’était pas si simple que ça, à quel point les métiers d’artisanat sont physiques. « En faisant mes éclairs au café, je me suis intéressée à cet ingrédient. C’est alors que j’ai poussé la porte de la Caféothèque de Paris où j’ai eu un coup de cœur en sentant l’odeur du café fraîchement torréfié pour la première fois de ma vie. Une vraie découverte ! Je trouvais magique la transformation de ce produit agricole venu de pays tropicaux qui me faisaient rêver » raconte Leslie. En parallèle de sa formation en pâtisserie, elle commence donc à se familiariser à la torréfaction de café, un univers à la fois merveilleux et complexe qui se situe à la croisée de nombre de ses aspirations : le voyage, les rencontres, la gastronomie, l’alliance du travail manuel et intellectuel, l’analyse olfactive. Elle finit même par passer son diplôme de Torréfacteur Barista. « J’ai compris que le café correspondait parfaitement à ma personnalité car c’est un produit qui me rapproche de choses qui me sont chères : la forêt, la terre, les paysans… Mais c’est aussi un produit qui a pour vocation de maintenir l’esprit éveillé, et beaucoup de grands artistes et écrivains étaient des amateurs de café, à l’image de Balzac ou Bach… En devenant torréfacteur, j’ai en quelque sorte bouclé la boucle, mettant à profit tout ce que j’avais appris depuis mon enfance. Cette vocation, qui s’est manifestée sur le tard et durant mon processus de reconversion, procède donc d’une certaine logique. Aujourd’hui, chaque jour, mon métier me fait voyager au travers du café de la Colombie au Costa Rica, en passant l’Ethiopie et d’autres pays lointains » ajoute Leslie.
« N’écoutez que les personnes positives, faites le tri ! »
Le virage vers la pâtisserie, puis vers la torréfaction, Leslie a pu le prendre avec le soutien de son compagnon. « Il habitait Paris et a donc été ravi que je quitte mon job et la Bretagne pour le rejoindre à plein temps » plaisante-t-elle, tout en reconnaissant que ses parents, quant à eux, ont pris la chose avec moins de sérénité. « Autour de vous, certains disent que vous n’y arriverez pas et d’autres au contraire croient en vous : il ne faut écouter que les personnes positives, faites le tri ! De toute manière, une fois que l’on a pris sa décision, rien ne peut vous arrêter. J’ai eu la chance d’être globalement bien épaulée par mon entourage et mes proches. Au moment où j’hésitais à me reconvertir, un ami m’a dit « tu sais dans la vie il y a deux espèces, les rampants et les volants ». Cette formule choc a trouvé beaucoup d’écho en moi et je me suis dit qu’il avait raison. Quand on ne vit pas ses rêves on rampe, cela a été le déclic qui m’a permis de m’envoler sans concession. »
« Se reconvertir, devenir artisan et créer son entreprise, ça met le corps à rude épreuve »
Aujourd’hui cela fait quatre ans que Leslie a monté sa société, GramGram. « La création d’entreprise c’est passionnant, cependant il faut être endurant, savoir encaisser les coups et se remettre en question en permanence. La route est longue, mais je commence à récolter les fruits de tant d’années de travail » indique-t-elle. Tout au long de son processus de reconversion, pour rester en forme et garder les idées claires, la jeune entrepreneuse a fait beaucoup de sport, du jogging et du yoga notamment, et elle continue aujourd’hui dans la mesure du possible. Elle a même repris un peu le piano ! Autre botte secrète : la visite mensuelle chez son ostéopathe, « très importante car mon corps a été mis à rude épreuve ». Changer de cap à nouveau, un jour ? « Pourquoi pas, mais plus tard ! Un jour j’aimerais m’investir dans la transmission, mais aussi pour des causes liées à l’environnement et à la préservation de la nature. Mais aujourd’hui, je me sens bien dans mon travail et dans ma vie » précise Leslie. A ceux qui auraient envie de tenter l’aventure comme elle, elle conseille d’aller rencontrer des personnes qui connaissent le métier envisagé, de discuter avec eux en toute transparence pour éviter les erreurs d’aiguillage. Et surtout, si on est en couple, bien vérifier auprès de son partenaire s’il va accepter les éventuelles contraintes liées à la future situation. « Pour se reconvertir, enfin, il faut être un peu aventurier. C’est un état d’esprit » conclut Leslie.
– Texte © Corinne Martin-Rozès / Photos © Leslie Gontard –
– Texte et photos ne sont pas libres de droit –
Leslie Gontard, artisan-torréfacteur
Boutique & atelier de torréfaction GramGram
93 bis avenue Georges Clémenceau – 94170 Le Perreux sur Marne
www.gramgram.fr
Catégories :Création d'entreprise, Reconversion
Bravo Leslie et merci pour toutes ces petites citations et pensées bien inspirantes 🙂
J’adore la formule avec les rampants et les volants, c’est tellement vrai 🙂
Bel exemple de courage (et d’un peu de « folie »?) où créer son entreprise à notre époque n’est pas un long fleuve tranquille!!
Bonjour Leslie,
Merci pour ce bel article. J’ai 48 ans, je suis infirmière et je rêve de franchir le pas que vous avez osé franchir. J’ai toujours été attirée par la torréfaction et le café, l’odeur, le goût, le voyage dans l’esprit..
Vous me faites du bien par le partage de votre expérience.
Cette formation est elle indispensable? Peux t’on selon vous se lancer en auto didacte? Pensez vous ouvrir une franchise ou une autre boutique?
Je vis à Vannes dans le Golfe du Morbihan, vous connaissez la Bretagne…
Bien à vous
Isabelle Bazin
0632441610
Bonjour. Je suis tout à fait d’accord, pour se reconvertir il faut énormément de courage. Abandonner la routine et le confort pour se lancer dans une nouvelle aventure n’est pas du tout évident. J’ai pris beaucoup de temps pour le faire, mais je ne regrette absolument rien.
Bonjour
J’aimerais devenir torréfacteur artisanal et je souhaite faire un stage pour découvrir un métier. J’ai besoin de soutien et de conseil pour faire mes démarches afin de parvenir mon objectif la réalisation et la concrétisation de mon futur métier en tant que torréfacteur. Mon rêve est de créer mon propre entreprise sde torréfaction en privé pour y exercer de façon indépendante. Par avance, je vous remercie de vos conseils et de vos informations
Bien cordialement