Sylvie, libraire : « A 50 ans passés, j’ai eu envie de vivre enfin pleinement ma passion pour la littérature, et surtout de la partager »

Pendant trente ans, Sylvie Melchiori mène une belle carrière dans l’informatique : programmeuse, puis consultante, elle finit même par créer sa propre société en 2004. Mais à peine six ans plus tard, à 52 ans, elle la revend pour ouvrir une librairie, revenant ainsi à ses premières amours : la littérature. Avec une âme de militante, elle anime aujourd’hui un véritable espace de vie culturelle. Rencontre avec une femme passionnée.

Sylvie présente ''Arbres'La culture a toujours tenu une grande place dans la vie de Sylvie Melchiori. « Mon père était un érudit autodidacte qui a su ouvrir nos esprits, très tôt. Ma sœur est devenue pianiste professionnelle. Quant à moi, dès la prime enfance, j’ai adoré les livres et j’aimais jouer à la libraire. Ma curiosité artistique et littéraire était déjà très forte » se souvient-elle. Au début des années 80, Sylvie s’installe à Paris avec l’idée d’y étudier l’histoire et l’histoire de l’art. Pour arrondir ses fins de mois, elle range les livres chaque matin à la bibliothèque du Centre Pompidou. Mais la réalité de la vie reprend le dessus. « Je voulais assurer mon indépendance financière, et je craignais fort de ne pouvoir le faire avec la licence d’archéologie que je préparais. A l’époque, la France vivait les débuts de l’ère informatique et le premier ministre Raymond Barre avait mis en place des cursus accélérés destinés à former les ingénieurs dont le pays avait besoin. J’étais titulaire d’un Bac C, je me suis donc inscrite pour apprendre les rudiments du métier de programmeur » raconte-t-elle. Laissant tomber ses études littéraires, Sylvie opte alors pour l’informatique et se spécialise rapidement dans la finance. Embauchée par un éditeur de progiciels, elle devient consultante, carrière qu’elle mène de 1982 à 2004 comme salariée, puis à partir de 2004 comme chef d’entreprise puisqu’elle décide cette année-là de monter sa propre structure.

 »Jeune, j’avais manqué de culot pour vivre à fond mon rêve d’être libraire »

Ambiance mur gauche

Les années passant, la motivation est pourtant de moins en moins au rendez-vous. Sylvie aspire à autre chose.  « Je lis beaucoup, je peins, depuis toujours. Hélas personne dans mon cadre professionnel ne partageait mes passions, et côté échanges culturels, c’était un peu aride… Au passage de la cinquantaine, je me suis dit qu’il était temps que je me décide à sauter le pas » explique-t-elle. Sylvie revend alors sa société, se félicitant cependant de bénéficier du confort financier que lui assure cette cession pour développer son nouveau projet. « Le rêve d’avoir ma librairie, qui me taraudait depuis mes études, était toujours en moi. Je l’avais occulté pendant toutes ces années, j’avais manqué de culot pour le vivre à fond. Le moment était enfin venu » se souvient-elle.

Littérature anglo-saxonne »Il y a eu une grande dynamique autour de mon projet, c’était formidable »

Première étape : se former. Ni une ni deux, Sylvie va exposer son projet aux deux associés qui tiennent sa librairie préférée, ‘’Liragif’’. « Ils m’ont dit banco, et au mois de juin 2010 j’ai commencé à apprendre le métier à leurs côtés. Puis j’ai cherché un local à Versailles, ville où je suis désormais installée. Je l’ai trouvé et, aidée par des amis, entièrement retapé. Il y a eu une grande dynamique autour de mon projet, c’était formidable. Des copains sont venus donner un coup de peinture, d’autres ont monté des meubles, tous ont fait preuve d’une générosité qui m’a beaucoup touchée » raconte-t-elle. La boutique est enfin prête, comme elle l’avait rêvée, simple, humaine, de bric et de broc, avec un maximum de place accordée aux livres et des peintres invités à exposer, régulièrement. Au-delà de l’aménagement du lieu, de nombreuses personnes proposent également leurs compétences en termes de choix des livres, bénévolement. Sylvie s’équipe d’un progiciel de gestion qu’elle apprivoise assez vite, compte tenu de ses antécédents. En juin 2011, ça y est, La Vagabonde ouvre ses portes au public à Versailles. « Au démarrage, j’ai dû me roder un peu… C’est en forgeant qu’on devient forgeron ! Il faut apprendre les ficelles pour éviter certains pièges, mais cela va vite. Aujourd’hui tout va bien, je suis en vitesse de croisière ! » plaisante-t-elle.Polars

 »Les phases de doute sont normales, mais il ne faut pas se détourner de l’objectif que l’on s’est  fixé »

Si ses proches ont été aussi présents, c’est également parce qu’ils connaissent l’opiniâtreté de Sylvie. « Quand j’ai une idée en tête, difficile de me faire changer d’axe… Du coup, quand ils ont Sylvie vitrine 2compris que c’était du sérieux, ils m’ont tous soutenue ». Attention cependant, tout n’est pas idyllique ! Financièrement, c’est le jour et la nuit avec sa vie d’avant. « Mais grâce à la revente de ma société, je peux me permettre de vivre mon rêve. Car un projet comme celui-ci, on y met son âme mais aussi toutes ses économies… Sans aucun regret, ceci dit, vu la richesse humaine et culturelle de ma nouvelle vie ! » poursuit-elle. Expositions, conférences et rencontres avec des auteurs de premier plan, et même dernièrement un festival : Sylvie organise ou co-organise aujourd’hui de nombreuses manifestations culturelles qui lui permettent de rencontrer, au-delà de ses clients, des personnalités de tous horizons. « Si on m’avait dit il y a deux ans que j’allais croiser la route d’autant de grands écrivains, je ne l’aurais pas cru. Et pourtant… » Comme une boutique, ça ne suffisait pas, elle vient en outre de s’associer avec deux Versaillaises pour ouvrir un autre lieu, dédié à l’éveil du jeune public à la culture, La Fabrique Vagabonde. « Aujourd’hui, j’ai 55 ans, une énergie incroyable, une envie de vivre à fond mes passions, plus forte que jamais. Bien entendu, quand on change tout dans sa vie, on passe par des phases de doute : elles sont normales, mais il faut persévérer, ne pas se détourner de l’objectif. Au bout du chemin, c’est le bonheur ! ».

Découvrez mon autre article consacré à la librairie de Sylvie, et le site de La Vagabonde (78000 Versailles)
Découvrez aussi la Fabrique Vagabonde, pour le jeune public
Et le site du festival VO/VF, co-organisé par Sylvie et la libraire Liragif.

Texte Corinne Martin-Rozès / Photos © Les Nouveaux Audacieux
— Texte et images ne sont pas libres de droit —



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2 réponses

  1. Bonjour Sylvie! Je viens de découvrir ce papier et votre chemin de vie me fascine. Je vous félicite! Tout comme vous j’adore les livres. J’ai crée un blog (à défaut d’une librairie) où j’invite les lecteurs à le considérer comme une librairie virtuelle. Si je passe à Versailles, je ne manquerai pas de venir faire une visite à « La Vagabonde » et j’espère échanger avec vous! Belle journée, bon we!

Rétroliens

  1. Quand rêver ça va bien deux minutes… | Un matin, un machin

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