Fabien, prof de maths stagiaire « En démissionnant pour me consacrer au CAPES de maths, j’ai fait un pari, mais aussi un saut dans le vide »

A 30 ans, Fabien, ex-consultant en systèmes d’information dans la finance, vient d’être admis au CAPES de Mathématiques et deviendra, dès la rentrée prochaine, professeur stagiaire. Un changement de vie qui doit beaucoup à ses aspirations personnelles et à son désir de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle.

Fabien croqué par l’illustratrice Blandine Billot

Fabien croqué par l’illustratrice Blandine Billot

A la rentrée de septembre, Fabien commencera sa nouvelle vie, celle de professeur de mathématiques. En attendant, il savoure de belles vacances, bien méritées quand on pense aux dix-huit mois intenses qu’il vient de vivre, entre la préparation du CAPES et tout le reste… « Il me reste de nombreux défis à relever dans le cadre de ce nouveau chapitre de ma vie professionnelle, mais je les aborde avec confiance » confie-t-il. Si aujourd’hui le trentenaire est heureux de son choix, tout ne fut pourtant ni facile, ni évident, comme il nous l’a raconté.

« L’informatique était vraiment quelque chose qui me plaisait »

Tout le long de sa scolarité, Fabien a été ce que l’on appelle un bon élève, ce qui ne l’empêchait pas de s’épanouir en parallèle dans des activités comme le tennis, la pêche à la ligne, la pétanque et l’animation, dans un cadre associatif. Après un bac scientifique, il embraye sur une première année de médecine mais réalise bien vite qu’il n’est pas fait pour ça. « Au bout de quelques mois, j’ai décidé de chercher une autre voie qui me correspondrait plus. Ce fut d’abord la bio-informatique pour capitaliser sur mon année de médecine, pendant un an, puis l’informatique tout court, parce que c’était vraiment ce qui me plaisait » raconte-t-il. Il intègre ensuite une école d’ingénieur en informatique et, une fois diplômé, rejoint un cabinet de conseil dans les métiers de l’informatique en finance, en tant que maître d’ouvrage.  « J’y suis resté plus de six ans et j’y étais très épanoui, car j’aimais mon métier » ajoute-t-il.

« Mon métier ne pouvait s’exercer qu’à Paris et je faisais chaque jour 4 heures de trajet »

Pourtant, à l’aube de ses 30 ans, Fabien fait le point. Lui qui habite loin de Paris passe alors près de quatre heures par jour dans les transports. « Mon épouse pratique une activité artisanale qui nécessite de disposer d’un atelier jouxtant notre domicile… Difficile de trouver ce type de logement à des prix accessibles en région parisienne ! Pas question donc de nous rapprocher trop de la capitale. Or mon métier ne pouvait s’exercer qu’à Paris. La fatigue s’est petit à petit accumulée et même les vacances ne suffisaient plus à me ressourcer. Je suis passé au 4/5ème mais c’était encore trop lourd. Or pour moi, la famille passe avant le travail. J’en suis venu à la conclusion qu’il me fallait trouver un autre emploi, plus près de chez moi » se souvient-il. Fabien cherche alors s’il peut exercer à proximité une activité similaire à la sienne, mais n’en trouve pas. Il mène ensuite une phase d’introspection pour identifier d’autres pistes d’orientation, et se rappelle soudain d’un test MBTI réalisé lorsqu’il était en école d’ingénieur, dont les résultats le plaçaient dans la catégorie des « psychologues et professeurs ». S’il n’envisage pas du tout le métier de psy, en revanche, celui de professeur le tente déjà plus. Il analyse alors ses expériences passées et beaucoup d’indicateurs viennent confirmer ce choix.

« En rencontrant de jeunes enseignants, j’ai découvert une tout autre réalité que celle que j’imaginais »

Le projet de Fabien prend forme, petit à petit. Il se renseigne, sur internet et auprès de ses proches, dont certains le mettent en relation avec de jeunes enseignants. « J’ai alors pu me rendre compte d’une toute autre réalité de celle que je m’étais imaginée. Venant du secteur privé, je n’imaginais pas à quel point la fonction publique pouvait être différente. Cela ne m’a pas paru bloquant, et je me suis alors plongé dans le programme de mathématiques, la seule matière que je pouvais envisager d’enseigner. Le choc fut assez brutal, similaire à un choc thermique… et j’ai alors douté du bien-fondé de mon choix. Je me suis dit que les mathématiques étaient bien loin, et les quelques éléments pédagogiques et didactiques qui étaient indiqués dans les programmes ont eu raison de ma motivation ». Craignant une transition trop lourde à gérer, Fabien abandonne alors son idée et cherche d’autres voies, sans succès, tout en continuant de travailler à Paris. Quelques mois plus tard, le Ministère de l’Education Nationale lance une grande campagne pour recruter des professeurs sur trois matières clé : anglais, français et maths. « J’ai reconsidéré ma décision. Car à ce moment-là, la souffrance que me causait ma situation présente était finalement plus forte que la peur de me lancer dans cette nouvelle aventure. Nous n’avions pas encore d’enfants, et cela me semblait être jouable. Restait à savoir si, au niveau de mon foyer, la différence de revenu (- 50% environ) était supportable : un problème évoqué avec mon épouse, qui m’a assurée de son soutien total. L’assurance de l’avoir à mes côtés a emporté mes dernières réticences et je me suis lancé » se souvient Fabien.

« Après dix ans de clavier, j’ai dû réapprendre à écrire, à coucher mes raisonnements sur le papier »

Encouragé par ses proches et décidé à prendre le taureau par les cornes, le futur reconverti s’inscrit au CAPES de mathématiques. « A partir de là, il me restait six mois pour préparer l’écrit et dix-huit pour l’oral. J’ai acheté une montagne de manuels et je me suis mis à étudier. J’ai dû réapprendre à écrire des raisonnements sur papier : je ne m’attendais pas à un tel défi, mais après dix ans passés à travailler quasi exclusivement sur clavier, c’en fut un ! Un investissement personnel payant, puisque j’ai été admissible à l’issue de l’écrit » raconte Fabien. Il monte alors un dossier de CIF afin de pouvoir préparer un master en enseignement des mathématiques, mais se le voit refuser. « J’étais jeune, j’avais déjà un niveau bac+5 et j’évoluais dans un secteur porteur, l’informatique, donc je n’étais pas prioritaire. Qu’à cela ne tienne, j’ai continué par mes propres moyens, je me suis inscrit à ce master, même si je n’ai pu assister qu’à quelques cours car je continuais de travailler en parallèle. Même incomplète, cette formation m’a permis de plonger dans le métier de manière théorique » ajoute-t-il. Fin 2013, un choix difficile se présente à lui : attendre la rentrée de septembre 2014 pour commencer sa nouvelle carrière (dans l’éventualité où il serait admis à l’oral du Capes) ? Ou bien tenter dès janvier 2014 une première expérience en tant que professeur vacataire, pour confirmer ma vocation et se préparer à l’oral ? Fabien choisit cette deuxième option et démissionne du cabinet où il travaille. « J’ai immédiatement trouvé un poste de remplaçant. Il y a vraiment un grand besoin de professeurs de mathématiques ! Ce métier est plus difficile que ce que j’avais imaginé, et je sens bien que je ne suis qu’un débutant, mais cette expérience a toutefois pu confirmer mon choix » indique-t-il. Le fait de plonger dans la vraie vie de prof en amont lui a réussi : Fabien a passé son oral avec succès et, dès septembre prochain, il sera « fonctionnaire stagiaire ». Le début d’une nouvelle vie.

« La décision la plus difficile à prendre ? Ma démission »

Lorsqu’il regarde en arrière, Fabien réalise que « la décision la plus difficile à prendre a été ma démission. Je faisais alors un saut dans le vide. D’abord, je ne pouvais prétendre à une indemnisation par Pôle emploi, car j’avais volontairement quitté mon entreprise. Ensuite, je n’avais pas de garantie d’obtention d’un poste rapidement, car le rectorat ne prévient en général le remplaçant que quelques jours avant son début de contrat. Enfin, je n’avais pas suffisamment épargné pour traverser une longue période de chômage, et je n’avais aucune assurance d’obtention de mon oral » précise-t-il. A ceux qui solliciteraient auprès de lui un conseil, il répond qu’il faut prendre le temps d’évaluer ses motivations et la faisabilité du projet de reconversion, en étant conscient de la potentielle difficulté de la transition. Alors, qu’est-ce qui l’a finalement décidé à sauter le pas ? « Je suis quelqu’un de prudent et il n’est pas dans ma nature de prendre un tel risque. Deux facteurs ont fait la différence : le soutien de mon épouse et ma foi. Je suis croyant, et j’ai pu recevoir une forte conviction, une ferme assurance, que ça irait. Alors je me suis lancé ! » conclut Fabien. Rendez-vous déjà pris avec le blog pour juin 2015, afin de faire le point sur sa première année en tant que prof. A suivre !

 

Texte Corinne Martin-Rozès / Illustration © Blandine Billot

Textes et images ne sont pas libres de droits.



Catégories :Reconversion

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4 réponses

  1. Fabien a pris « le taureau par les cornes » !
    Voilà une expression qui, au fil du temps, est souvent entendue comme une volonté d’agir fermement, de ne pas se laisser faire,… Ce n’est pas faux, mais prendre le taureau par les cornes, c’est aussi oser se placer devant lui, s’y confronter, prendre le risque d’être enfourché ou expédié dans les bas-côtés…

    En réalité, le témoignage de Fabien dessine un autre « adversaire » que le risque de la reconversion, un adversaire bien plus sournois, aussi dangereux et même usant…
    le risque de la NON-reconversion !
    La fatigue, la baisse de motivation, la complexité des déplacements, le doute,… sont redoutables.
    Et là je salue Fabien pour cette volonté de dire « stop », alors qu’il parait toujours plus confortable de miser sur sa propre adaptation pour éviter les dégâts d’un nouveau projet ; ce genre de compromis avec soi-même fonctionne un moment avant d’arriver sur un épuisement plus profond. C’est une problématique forte du monde du travail (avec les RPS).

    Celui qui prend le taureau par les cornes n’est pas fou !
    Il se rend capable de puiser la force et le courage en lui en misant sur l’objectif à atteindre, plutôt que la barrière d’obstacles à franchir ! Elle est là la foi ! Il est là le soutien de l’entourage ! Oser, c’est une magnifique conjugaison entre la certitude de ce que l’on quitte, la volonté de ce que l’on veut atteindre, et la confiance que l’on s’octroie pour bondir, bouger, rebondir…

    Merci Fabien !

  2. C’est un choix très courageux je pense, très peu de personnes feraient un choix pareil. Ceci prouve que la santé, la vie de famille passe avant tous. J’espère que son stage se passera bien et deviendra bientôt prof de math. En plus c’est une belle histoire à raconter aux élèves.

  3. J’ai fait le choix inverse: les maths sont très peu intéressantes au collège. Il y a peu de flexibilité contrairement à l’enseignement des langues.

  4. Bonjour,
    J’envisage également une reconversion vers le metier d’enseignant mais je ne comprends pas comment Fabien a pu avoir un an de délai entre les epreuves ecrites et les epreuves orales ?
    Il est possible de conserver le benefice des epreuves d’admissibilite sans se presenter aux epreuves d’admission ?
    Si quelqu’un peut m’eclairer sur le sujer, merci beaucoup car c’est un frein important pour mon projet

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