Valérie, pizzaïola : « Des maths à la pizza, je n’ai aucun regret d’avoir franchi le pas ! »

Pendant onze ans, Valérie enseigne les mathématiques à des collégiens. Mais un beau jour, elle quitte l’Education Nationale et décide d’ouvrir une pizzeria. Cinq ans après le grand saut, elle raconte sa reconversion.

PortraitLes mains dans la farine, dans la chaleur du four à pizza, Valérie vous accueille avec un grand sourire. Qui croirait que cette pizzaïola épanouie était encore, il y a quelques années, prof de maths dans un collège ? « Aujourd’hui, je me sens heureuse et fière, sans vanité aucune. Fière de voir ma petite pizzeria se développer, avec une clientèle fidèle. Mon nouveau métier me comble et m’apporte tout ce que je ne trouvais plus dans celui de professeur » explique-t-elle. Cette éternelle optimiste, zen et épicurienne, a fait un authentique choix de vie et, depuis bientôt cinq ans que sa pizzeria est ouverte, n’a pas un seul instant regretté sa décision.

« Je ne voulais surtout pas devenir une prof aigrie »

Rembobinons un coup et retrouvons Valérie enfant. Très sportive, elle pratique avec passion le patinage artistique sur roulettes, de 8 à 16 ans. « J’ai même été 3ème au Championnat de France et j’aurais bien continué en professionnel, mais en France la filière sport/études pour cette discipline n’existait pas » raconte-t-elle. Du coup, cette excellente élève suit une trajectoire plus classique : bac C (S) puis DEUG de maths à l’université, suivis d’une licence, d’une maîtrise et d’un certificat d’études supérieures  en statistiques. Elle rentre alors dans l’enseignement par le biais de remplacements, décide de passer son CAPES et l’obtient en 2000. « Hélas, au bout de onze ans en collège, j’ai commencé à m’ennuyer. Et comme je ne voulais surtout pas devenir une prof aigrie qui dégoûte ses élèves de sa matière, j’ai commencé à envisager une reconversion » raconte Valérie.

« J’enseignais encore mais j’avais déjà la tête chez Pizzas Lino »

Comme souvent dans  ces périodes où l’on se cherche, un élément déclenchant va précipiter les choses. « L’une de mes élèves s’est trouvée atteinte d’un cancer et j’ai fait partie des profs ‘’tuteurs’’ qui continuaient à la suivre. Elle ne pouvait plus venir au collège mais elle s’accrochait et  sa volonté forçait l’admiration. Après son décès, la désinvolture et le manque d’implication de trop nombreux autres élèves, qui eux étaient en bonne santé, m’ont semblé jour après jour plus insupportables. » A ce moment, Valérie est déjà dans sa tête en rupture avec son métier. Elle s’en ouvre à son mari, lui aussi prof mais avant tout italien d’origine et authentique pizzaïolo. Ils décident alors de bâtir la reconversion de Valérie autour de ce savoir-faire. Valérie se jette à corps perdu dans son projet : elle apprend à faire des pizzas, court les agences immobilières et les banques pour obtenir un financement. « J’étais encore prof mais j’avais déjà la tête chez Pizzas Lino. Une fois le lieu trouvé, début mai 2009, je me suis jetée à l’eau et, le 5 juin, j’ouvrais la pizzéria. Les débuts ont été tellement prometteurs que dès juillet, j’ai démissionné de l’Education nationale ».

« On me regardait bizarrement, comme si on attendait que je me plante »

Au début, personne ne prend vraiment Valérie au sérieux et la plupart des gens s’efforcent avant tout de la décourager. Une des ses collègues, effarée, lui demande si elle a bien réfléchi : après tout, elle va perdre ses Four »vacances » ! « Heureusement que mon mari était là, ma sœur aussi, qui m’a sommée de fermer mes oreilles et m’a dit que j’étais faite pour ça ! J’ai entendu beaucoup de choses, on me regardait bizarrement, comme si on attendait que je me plante… Beaucoup me voyaient déjà pointer à Pôle Emploi pour cause d’échec ». Mais Valérie sait ce qu’elle veut, et la battante qui est en elle se révèle plus forte que ça. Sans se déstabiliser, elle continue à tracer sa route. « Mes parents m’ont prise pour une folle au démarrage, mais, voyant que je n’en démordais pas, ils ont fini par me soutenir. Mes enfants ont été formidables, mon fils venait chaque week-end m’encourager à la pizzéria. »

« Il faut se demander ce que l’on est capable de relever comme défi »

Des conseils pour un candidat à la reconversion ? « D’abord, faire un bilan personnel de ses compétences et de ses aptitudes, de façon à ne pas s’embarquer dans une histoire qui pourrait virer au cauchemar. Ne pas s’emballer, se poser le maximum de questions sur soi-même, sur ce que l’on se sent capable de relever comme défi. Personne n’est WonderWoman, on a tous des limites, il ne faut surtout pas les occulter ! Ni d’ailleurs tenir compte de l’avis des gens ‘’bien intentionnés’’, qui souvent basent leur réflexion sur leur propre peur de franchir le pas. Il faut foncer, tout balayer sur son passage, avec la ferme conviction que l’on change pour de bonnes raisons et que l’on va aller jusqu’au bout,  parce que c’est notre décision !  J’aime l’expression ‘’on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs’’ : cela dit bien ce que ça veut dire. Il y a toujours des à-côtés pas faciles à gérer. Mais qu’importe si l’on va vers une vie meilleure ! »

« Faire de sa vie un rêve et de ses rêves une réalité »

EnseigneAujourd’hui, à 44 ans, Valérie se sent en accord avec elle-même. « Je pense franchement avoir trouvé ma voie et je n’ai d’autre projet que de continuer à développer ma petite entreprise, en lui conservant son caractère de commerce artisanal  de proximité. Je travaille seule et entends bien continuer ainsi, ça me convient parfaitement. » Son autre objectif ? Voir ses enfants devenir des adultes responsables, capables de prendre des virages tout en gardant en ligne de mire leur équilibre. Un défi qu’ils devraient savoir relever, avec comme philosophie la devise de leur maman : « fais de ta vie un rêve et de tes rêves une réalité ».

Pizzas Lino – 254 rue Ernest Perrin – 84210 Althen des Paluds – Téléphone 04 90 36 16 33
Sa page Facebook – Sa fiche TripAdvisor

Texte Corinne Martin-Rozès
— Texte et images ne sont pas libres de droit —



Catégories :Reconversion

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15 réponses

  1. Wow, voici un beau témoignage, je me reconnais beaucoup dans cette histoire et je me prépare d’ailleurs à faire le grand pas pour faire ce dont j’ai réellement envie de faire…vivement l’arrivée de ce jour béni !!!

  2. Encore un très beau témoignage, bravo pour ce changement de vie et pour cette motivation à rester heureux et passionné par son métier ! Personne ne devrait accepter de devenir aigri dans sa vie professionnelle, merci de nous le rappeler !

  3. bof ! encore un témoignage bidon… je n’exclus pas qu’elle se sente bien, mais c du délire. Tant d’études, un job privilégié (quoi qu’on en dise, la sécurité de l’emploi n’a pas de prix) pour se retrouver pizzaiolo, c du grand n’importe quoi. Elle va faire ça encore 4 ans et comprendra sa douleur… ou alors, c vraiment qu’il y a un problème ! donner à des gens une ouverture, une vision professionnelle, des avantages énormes par rapport à la précarité d’un petit commerce… et ils veulent être pizzaiolo ! C ça la France 🙂

    • Pour rebondir sur votre dernière phrase, oui, c’est aussi ça la France et tant mieux ! Vous avez le droit de penser ce que vous voulez, mais j’ai le droit de ne pas être d’accord avec vous. Si, la sécurité de l’emploi a un prix : contraintes non choisies, hiérarchie, nature du boulot… En ce qui me concerne j’ai aussi fait le choix de l’indépendance, donc de la précarité, et ce depuis 12 ans, sans aucun regret par rapport à ma vie d’avant. Même si, certains mois, c’est angoissant, même si j’ai moins de vacances que la plupart des gens, même si, aujourd’hui 1er mai, je vais travailler une partie de la journée, etc. Pour rien au monde je ne reviendrais à l’entreprise, encore moins à l’administration. Je fais un boulot qui me plait, au rythme que je définis, sans en référer à personne. Alors non, ce témoignage n’est pas bidon, je suis même choquée que vous puissiez dire ça. Et tout le monde n’est pas fait pour être prof. Quant à la « vision professionnelle », le mot me fait doucement rigoler. Et concernant les « avantages énormes » dont vous parlez, ils ne suffisent pas à rendre heureux, certains voient les choses différemment. Et c’est tant mieux (je me répète).

      • c’est bien ce qui est contradictoire. On monte des usines à gaz avec le soucis de « l’égalité », à grand renfort de fiscalité, et ensuite des gens se réfugient dans l' »entreprise » individuelle… qui reverse à peu près 60% de ce qu’elle génère à l’état… c’est bien ce que je dis, totalement contradictoire avec des principes qui devraient nous guider. Mon commentaire n’est pas un reproche, ne le prenez pas pour vous, j’ai également tâté de la création d’entreprise, mais avec des salariés, en gérant du personnel, embauchant, débauchant… Quitte à travailler pour l’état (je reversais 70% de ce que je gagnais en assumant tous les risques et en étant dénigré par le système, autre-autres…), autant être fonctionnaire, sécurisé et en ayant de réelles vacances ! Concernant les avantages d’être profs, oui ils sont énormes au regard de la réalité économique. Je n’ai pas dit que ce métier était un métier de fainéants protégés… je le suis moi-même puisque je suis prof de maths ! Je suis simplement réaliste…l’aboutissement dans ce pays semble être « travailler tout seul » en vendant des pizzas ou des kebabs…(ben oui, parce que la vraie restauration c’est un peu plus compliqué, chronophage et nécessite de la main d’oeuvre…) ou être fonctionnaire…. C’est triste, ne trouvez-vous pas ?

      • Un grand BRAVO Valérie! Quel bel exemple , quel beau challenge! Croire en ses capacités, et ses rêves. Nous avons connu ces étapes et nous en rencontrerons surement d’autres, car la vie c’est ça aussi, ne pas rester figé, et de la croquer tant qu’on peut bouger. Soyez fière de vous et ignorez ces messages de personnes pessimistes. Vous êtes bien dans vos baskets et ça se voit!… Power Rangers,Wonder woman YEAHHHHHHHH!!!!mdr…VIVE LA VIE

  4. et j’ajouterais : « tout ça pour ça »… tout ce système, toutes ces études, toutes ces valeurs trasmises, enseignées…. pour être pizzaïolo, c’est…. juste inquiétant… en étant optimiste… pitoyable si on y regarde d’un peu plus près.

    • Je comprends ce que vous voulez dire. Mais, si je partage certaines de vos vues, je ne souscris pas à toutes… Je ne crois pas que « l’aboutissement dans ce pays semble être « travailler tout seul » en vendant des pizzas » : on en est loin ! Quant au fait de faire des études longues (en effet financées par la collectivité) pour au final faire autre chose (qui ne nécessite pas de longues études), je conçois que cela interpelle, mais je vois au delà de ça, la réalisation de soi, l’envie de revenir à des choses vraies, quand la société vous a poussé aux études sans interroger vraiment vos aspirations. Et puis on a le droit de changer d’avis, et de vie, que diable ! Quant aux valeurs transmises, elles n’ont pour moi rien à voir avec les connaissances, l’enseignement, et se situent sur un tout autre plan. Je reste persuadée que tout sert à tout : tout ce qu’on a fait dans sa vie a une utilité et vient nourrir ce que l’on fait ensuite.

      • Pas besoin de faire des études pour être pizzaïolo ou vendeur de kebab, qui sont des activités généralement par défaut, de gens qui sont venus ou viennent en France dans des conditions économiques pas vraiment « privilégiées » pour reprendre un terme à la mode. Un cycle d’étude supérieure coûte entre 50000 et 100000E de frais réels à la collectivité. C’est à dire à l’Etat… c’est à dire à l’épargne, à la consommation, à la compétitivité des entreprises, à l’esprit d’entreprendre, de prendre des risques, etc… au travail qui est surtaxé en France. Donc financer tout ça pour au final donner comme aspiration à des gens de travailler seul (je veux dire ne pas créer d’emploi salarié, car bien entendu trop cher et trop risqué) dans un commerce de bouche de base, c’est affligeant. Après, bien entendu que les gens sont libres de faire ce qu’ils veulent, ce n’est pas le débat. Et pour parler des valeurs, il est triste de ne pas considérer notre système « éducatif » en faillite comme un élément au sein duquel, au-delà des connaissances (bien pauvres, et de plus en plus…), on transmette également (surtout ?) des valeurs. On parle bien finalement un peu de la même chose, de la faillite d’un système qui bouffe tout, crée de la misère et restreint les ambitions… et satisfait finalement peu de monde !… a part nos politiques peut-être qui savent se satisfaire de tout avec notre argent et nos assentiments.

  5. Quelle ténacité! Bravo à Valérie de s’être accrochée à son rêve. On voit bien l’importance d’être porté par ses proches et aussi parfois de résister au pessimisme ambiant.

  6. BRAVO Valérie!!!!!! Bravo. Bravo. Bravo!!!! Quel courage de se lancer dans une telle aventure!!!!

    Monsieur Marc, qu’êtes vous venu chercher sur le site « des nouveaux audacieux » si vous ne comprenez pas « le délire » de vouloir privilégier sa sécurité psychique à la sécurité de l’emploi…? Du vent!!!

    • Je ne cherche rien, je donne mon avis. Mais apparemment vous ne le supportez pas. Cela montre le niveau, hélas…affligeant !

      • Je suis prof de maths également je peux vous dire marc que ce métier est extrêmement éprouvant. Des vacances a pleurer vous appeler ça des vacances? Il y existe un réel mal être dont peu de personne parle. J ai connu plusieurs personnes qui arrivaient du privé pour devenir prof et qui ont rapidement cherché de nouveau du travail dans le privé. Je souffre énormément dans mon métier aujourd’hui et j aurais vraiment aimé faire des pizzas…

      • Bonjour Caro. Oui le « métier » de prof de Maths, et de prof en général est éprouvant, contrairement à ceux qui le conspuent sans savoir bien sûr. D’autant qu’il est dévalorisé au fil des ans et que les profs deviennent finalement une « variable » d’ajustement d’un système qui continue à dysfonctionner. Justement, ce que je dis c’est qu’un système censé former des personnes qualifiées occupant des postes importants pour tous et en particulier nos enfants, et qui conduit finalement ces personnes à envisager de faire des pizzas, c’est un système qui montre son échec. Cela a quelque chose de lamentable. Et je n’ai rien contre les (bons) pizzaïolos !…

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